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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

avez dit auparavant ; car je ne pense pas que ce soit une chose si claire qu’on la doive prendre pour un principe indémontrable, et qui n’ait pas besoin de preuve.

Et quant à sa première partie, à savoir « que vous concevez pleinement ce que c’est que le corps en pensant seulement que c’est une chose étendue, figurée, mobile, etc., encore que vous niiez de lui toutes les choses qui appartiennent à la nature de l’esprit, » elle est de peu d’importance ; car celui qui maintiendroit que notre esprit est corporel, n’estimeroit pas pour cela que tout corps fût esprit : et ainsi le corps seroit à l’esprit comme le genre est à l’espèce. Mais le genre peut être entendu sans l’espèce, encore que l’on nie de lui tout ce qui est propre et particulier à l’espèce, d’où vient cet axiome de logique, que l’espèce étant niée le genre n’est pas nié, ou bien, là où est le genre, il n’est pas nécessaire que l’espèce soit : ainsi je puis concevoir la figure sans concevoir aucune des propriétés qui sont particulières au cercle. Il reste donc encore à prouver que l’esprit peut être pleinement et entièrement entendu sans le corps.

Or pour prouver cette proposition je n’ai point, ce me semble, trouvé de plus propre argument dans tout cet ouvrage que celui que j’ai allégué au commencement, à savoir, « je puis nier qu’il y ait aucun corps au monde, aucune chose