Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome II.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
9
OBJECTIONS ET RÉPONSES.

prend tout ce qui peut être connu de la chose ; car M. Descartes confesse lui-même dans ses réponses aux premières objections qu’il n’est pas besoin d’une distinction réelle, mais que la formelle suffit, afin qu’une chose puisse être conçue distinctement et séparément d’une autre par une abstraction de l’esprit qui ne conçoit la chose qu’imparfaitement et en partie ; d’où vient qu’au même lieu il ajoute :

« Mais je conçois pleinement ce que c’est que le corps (c’est-à-dire je conçois le corps comme une chose complète), en pensant seulement que c’est une chose étendue, figurée, mobile, etc., encore que je nie de lui toutes les choses qui appartiennent à la nature de l’esprit. Et d’autre part je conçois que l’esprit est une chose complète, qui doute, qui entend, qui veut, etc., encore que je nie qu’il y ait en lui aucune des choses qui sont contenues en l’idée du corps : donc il y a une distinction réelle entre le corps et l’esprit. »

Mais si quelqu’un vient à révoquer en doute cette mineure, et qu’il soutienne que l’idée que vous avez de vous-même n’est pas entière, mais seulement imparfaite, lorsque vous vous concevez, c’est-à-dire votre esprit, comme une chose qui pense et qui n’est point étendue, et pareillement, lorsque vous vous concevez, c’est-à-dire votre corps, comme une chose étendue et qui ne pense point : il faut voir comment cela a été prouvé dans ce que vous