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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

fois, et c’est par lui que vous avez senti et reçu les images dont vous pouvez à présent vous servir sans lui.

Enfin, vous remarquez que vous pensez. certainement cela ne se peut nier ; mais il vous reste toujours à prouver que la faculté de penser est tellement au-dessus de la nature corporelle, que ni ces esprits qu’on nomme animaux, ni aucun autre corps, pour délié, subtil, pur et agile qu’il puisse être, ne sauroit être si bien préparé ou recevoir de telles dispositions que de pouvoir être rendu capable de la pensée. Il faut aussi prouver en même temps que les âmes des bêtes ne sont pas corporelles, car elles pensent, ou, si vous voulez, outre les fonctions des sens extérieurs, elles connoissent quelque chose intérieurement, non seulement en veillant, mais aussi lorsqu’elles dorment. Enfin, il faut prouver que ce corps grossier et pesant ne contribue rien à votre pensée, quoique néanmoins vous n’ayez jamais été sans lui, et que vous n’ayez jamais rien pensé en étant séparée, et partant, que vous pensez indépendamment de lui : en telle sorte que vous ne pouvez être empêchée par les vapeurs, ou par ces fumées noires et épaisses qui causent néanmoins quelquefois tant de trouble au cerveau.

Après quoi vous concluez ainsi : « [1]Je ne suis

  1. Voyez Méditation ii, tome i, page 251.