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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

vez en plusieurs façons ? car, puisque vos membres reçoivent plusieurs et divers mouvements par votre moyen, comment les pourriez-vous mouvoir sans vous mouvoir vous-même ? Certainement ni vous ne pouvez mouvoir les autres sans être mue vous-même, puisque cela ne se fait point sans effort ; ni il n’est pas possible que vous ne soyez point mue par le mouvement du corps. Si donc toutes ces choses sont véritables, comment pouvez-vous dire qu’il n’y a rien en vous de tout ce qui appartient au corps ?

Puis, continuant votre examen, vous trouvez aussi, dites-vous, [1]« qu’entre les choses qui sont attribuées à l’âme, celles-ci, à savoir être nourri et marcher, ne sont point en vous. » Mais premièrement une chose peut être corps et n’être point nourrie. En après, si vous êtes un corps tel que nous avons décrit ci-devant les esprits animaux, pourquoi, puisque vos membres grossiers sont nourris d’une substance grossière, ne pourriez-vous pas, vous qui êtes subtile, être nourrie d’une substance plus subtile ? De plus, quand ce corps dont ils sont parties croît, ne croissez-vous pas aussi ? et quand il est affoibli, n’êtes-vous pas aussi vous-même affoiblie ? Pour ce qui regarde le marcher, puisque vos membres ne se remuent et ne se portent en aucun lieu si vous ne les faites mouvoir et

  1. Voyez Méditation II, tome I page 251.