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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

un esprit fort subtil et fort délié excité par la chaleur du cœur, ou par telle autre cause que ce soit, et formé du plus pur de votre sang, qui, étant répandu dans tous vos membres, leur donniez la vie, et voyiez avec l’œil, oyiez avec l’oreille, pensiez avec le cerveau, et ainsi exerciez toutes les fonctions qui vous sont communément attribuées. S’il est ainsi, pourquoi n’aurez-vous pas la même figure que votre corps, tout ainsi que l’air a la même que le vaisseau dans lequel il est contenu ? Pourquoi ne croirai-je pas que vous soyez environnée par le même contenant que votre corps ou par la peau même qui le couvre ? Pourquoi ne me sera-t-il pas permis de penser que vous remplissez un espace ou du moins ces parties de l’espace que votre corps grossier ni ses plus subtiles parties ne remplissent point ? Car de vrai le corps a de petits pores dans lesquels vous êtes répandue, en sorte que là où sont vos parties les siennes n’y sont point : en même façon que, dans du vin et de l’eau mêlés ensemble, les parties de l’un ne sont pas au même endroit que les parties de l’autre, quoique la vue ne le puisse pas discerner. Pourquoi n’exclurez-vous pas un autre corps du lieu que vous occupez, vu qu’en tous les petits espaces que vous remplissez les parties de votre corps massif et grossier ne peuvent pas être ensemble avec vous ? Pourquoi ne penserai-je pas que vous vous mou-