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sur la nature même. Voilà par quels degrés Descartes parvint à cette grande révolution : il y fut conduit par le doute et l’examen…

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Descartes fut très long-temps incertain sur le genre de vie qu’il devoit embrasser. D’abord il prit le parti des armes, comme on l’a vu, mais il s’en dégoûta au bout de quatre ans. En 1623, dans le temps des troubles de la Valteline, il eut quelque envie d’être intendant de l’armée ; mais ses sollicitations ne purent être assez vives pour qu’il réussît : il mettoit trop peu de chaleur à tout ce qui n’intéressoit que sa fortune. En 1625, il fut sur le point d’acheter la charge de lieutenant-général de Châtellerault ; et comme il étoit persuadé que pour exercer une charge il falloit être instruit, il manda à son père qu’il iroit se mettre à Paris chez un procureur au Châtelet, pour y apprendre la pratique. Il faut avouer que c’étoit là un singulier apprentissage pour un homme tel que Descartes : il avoit alors vingt-neuf ans. Mais ce projet manqua comme l’autre. S’il avoit réussi, il est à croire que Descartes auroit fait comme le président de Montesquieu, et qu’il ne fût pas long-temps resté juge. Enfin, après avoir passé dix ou douze ans à observer tous les états, il finit par n’en choisir aucun. Il résolut de garder son indépendance, et de s’occuper tout entier à la recherche de la vérité. Il pensoit sans doute que c’étoit assez remplir son devoir d’homme et de citoyen, de travailler à éclairer les hommes.

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Ce fut en 1629, sur la fin de mars, que Descartes partit pour aller s’établir en Hollande ; il avoit alors trente-trois ans. Comme sa résolution auroit paru extraordinaire, il n’en avertit ni ses parents ni ses amis ; il se contenta de leur écrire avant son départ. On ne manqua point de murmurer. Il n’y a que celui qui a pu concevoir un tel projet qui