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foiblesse de l’enfance, pouvoit juger en naissant, et composer lui seul toutes ses idées ? Parvenu jusque là, Descartes résolut d’ôter de son esprit toutes les opinions qui y étoient, pour y en substituer de nouvelles, ou y remettre les mêmes après qu’il les auroit vérifiées ; et ce fut son quatrième pas. Il vouloit, pour ainsi dire, recomposer sa raison, afin qu’elle fût à lui, et qu’il pût s’assurer pour la suite des fondements de ses connoissances. Il ne pensoit point encore à réformer les sciences pour le public ; il regardoit tout changement comme dangereux. Les établissements une fois faits, disoit-il, sont comme ces grands corps dont la chute ne peut être que très rude, et qui sont encore plus difficiles à relever quand ils sont abattus, qu’à retenir quand ils sont ébranlés. Mais comme il seroit juste de blâmer un homme qui entreprendroit de renverser toutes les maisons d’une ville, dans le seul dessein de les rebâtir sur un nouveau plan, il doit être permis à un particulier d’abattre la sienne, pour la reconstruire sur des fondements plus solides. Il entreprit donc d’exécuter la première partie de ses desseins, qui consistoit à détruire ; et ce fut son cinquième pas. Mais il éprouva bientôt les plus grandes difficultés. Je m’aperçus, dit-il, qu’il n’est pas aussi aisé à un homme de se défaire de ses préjugés, que de brûler sa maison. Il y travailla constamment plusieurs années de suite, et il crut à la fin en être venu à bout. Je ne sais si je me trompe, mais cette marche de l’esprit de Descartes me paroît admirable. Continuons de le suivre. À l’âge de vingt-quatre ans, il entendit parler en Allemagne d’une société d’hommes qui n’avoit pour but que la recherche de la vérité : on l’appeloit la confrérie des Rose-Croix. Un de ses principaux statuts étoit de demeurer cachée. Elle avoit, à ce qu’on dit, pour fondateur, un Allemand né dans le quatorzième siècle. On raconte de cet homme des choses merveilleuses. Il avoit profondément étudié la magie, qui étoit alors une science fort importante. Il avoit voyagé en Arabie, en Turquie, en Afrique, en Espagne, avoit vu sur la terre des sages et des cabalistes, avoit appris plu-