Lorsque les cendres de Descartes, né en France et mort en Suède, furent rapportées, seize ans après sa mort, de Stockholm à Paris ; lorsque tous les savants, rassemblés dans un temple, rendoient à sa dépouille des honneurs qu’il n’obtint jamais pendant sa vie, et qu’un orateur se préparoit à louer devant cette assemblée le grand homme qu’elle regrettoit, tout-à-coup il vint un ordre qui défendit de prononcer cet éloge funèbre. Sans doute on pensoit alors que les grands seuls ont droit aux éloges publics ; et l’on craignit de donner à la nation l’exemple dangereux d’honorer un homme qui n’avoit eu que le mérite et la distinction du génie. Je viens, après cent ans, prononcer cet éloge. Puisse-t-il être digne et de celui à qui il est offert, et des sages qui vont l’entendre ! Peut-être au siècle de Descartes on étoit encore trop près de lui pour le bien louer. Le temps seul juge les philosophes comme les rois, et les met à leur place.