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avec dédain d’un frère qui, né gentilhomme, s’etoit abaissé jusqu’à se faire philosophe (28), et mettre au nombre des jours malheureux celui où Descartes naquit pour déshonorer sa race par un pareil métier. Ô préjugés ! ô ridicule fierté des places et du rang ! Il importe de conserver ces traits à la postérité, pour apprendre, s’il se peut, aux hommes à rougir. Où sont aujourd’hui ceux qui, à la vue de Descartes, sourioient dédaigneusement, et disoient avec hauteur : C’est un homme qui écrit ? Ils ne sont plus. Ont-ils jamais été ? Mais l’homme de génie vivra éternellement : son nom fait l’orgueil de ses compatriotes ; sa gloire est un dépôt que les siècles se transmettent, et qui est sous la garde de la justice et de la vérité. Il est vrai que le grand homme trouve quelquefois la considération de son vivant ; mais il faut presque toujours qu’il la cherche à trois cents lieues de lui. Descartes, persécuté en Hollande et méconnu en France, comptoit parmi ses admirateurs et ses disciples la fameuse princesse palatine, princesse qui est du petit nombre de celles qui ont placé la philosophie à côté du trône (29). Elle étoit digne d’interroger Descartes, et Descartes étoit digne de l’instruire. Leur commerce n’étoit point un trafic de flatteries et de mensonges de la part de Descartes, de protection et de hauteurs de la part d’Élisabeth. Dieu, la nature, l’homme, ses malheurs et les moyens