Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mais qui à la vie végétale joint le mouvement progressif ; machine organisée, mécanique vivante, mais dont tous les ressorts sont intérieurs et dérobés à l’œil, tandis qu’au dehors on ne voit qu’une décoration simple à la fois et magnifique, où sont rassemblés et le charme des couleurs, et la beauté des formes, et l’élégance des contours, et l’harmonie des proportions : c’est le corps humain. Descartes ose le considérer dans son ensemble et dans tous ses détails. Après avoir parcouru l’univers et toutes les portions de la nature, il revient à lui-même. Il veut se rendre compte de sa vie, de ses mouvements, de ses sens. Qui lui expliquera un nouvel univers plus incompréhensible que le premier ? Ce n’est point dans les auteurs qui ont écrit qu’il va puiser ses connoissances, c’est dans la nature ; c’est elle qui fait la raison d’un grand homme, et non point ce qu’on a pensé avant lui. On lui demande où sont ses livres. Les voilà, dit-il en montrant des animaux qu’il étoit prêt à disséquer. L’anatomie, créée par Hippocrate, cultivée par Aristote, réduite en art par les travaux d’Hérophile et d’Érasistrate, rassemblée en corps par Galien, suspendue et presque anéantie pendant près de onze siècles, avoit été ranimée tout-à-coup par Vésale. Depuis cent ans elle faisoit des progrès en Europe, mais les faisoit avec lenteur, comme toutes les connoissances humaines, qui sont