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l’aveugle : par l’un, on voit, pour ainsi dire, avec ses mains ; par l’autre, on touche avec ses yeux. Mais, pour que la lumière agisse sur l’œil, il faut qu’elle traverse des espaces immenses ; ces espaces sont semés de corps innombrables, les uns opaques, les autres transparents ou fluides. Descartes suit la lumière dans sa route, et à travers tous ces chocs : il la voit, dans un milieu uniforme, se mouvoir en ligne droite ; il la voit se réfléchir sur la surface des corps solides, et toujours sous un angle égal à celui d’incidence ; il la voit enfin, lorsqu’elle traverse différents milieux, changer son cours, et se briser selon différentes lois.

La lumière, mue en ligne droite, ou réfléchie, ou brisée, parvient jusqu’à l’organe qui doit la recevoir. Quel est cet organe étonnant, prodige de la nature, où tous les objets acquièrent tour à tour une existence successive ; où les espaces, les figures et les mouvements qui m’environnent sont créés ; où les astres qui existent à cent millions de lieues deviennent comme partie de moi-même ; où, dans un demi-pouce de diamètre, est contenu l’univers ? Quelles lois président à ce mécanisme ? quelle harmonie fait concourir au même but tant de parties différentes ? Descartes analyse et dessine toutes ces parties, et celles qui ont besoin d’un certain degré de convexité pour procurer la vue, et celles qui se rétrécissent ou s’étendent à proportion du nombre