Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/425

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Et certes je ne vois pas que l’on puisse rien ajouter pour faire connoître plus clairement que cette idée ne peut être en nous si un souverain être n’existe, si ce n’est que le lecteur, prenant garde de plus près aux choses que j’ai déjà écrites, se délivre lui-même des préjugés qui offusquent peut-être sa lumière naturelle, et qu’il s’accoutume à donner créance aux premières notions, dont les connoissances sont si vraies et si évidentes que rien ne le peut être davantage, plutôt qu’à des opinions obscures et fausses, mais qu’un long usage a profondément gravées en nos esprits. Car, qu’il n’y ait rien dans un effet qui n’ait été d’une semblable ou plus excellente façon dans sa cause, c’est une première notion, et si évidente qu’il n’y en a point de plus claire ; et cette autre commune notion, que de rien rien ne se fait, la comprend en soi, parceque, si on accorde qu’il y ait quelque chose dans l’effet qui n’ait point été dans sa cause, il faut aussi demeurer d’accord que cela procède du néant ; et s’il est évident que le néant ne peut être la cause de quelque chose, c’est seulement parceque dans cette cause il n’y auroit pas la même chose que dans l’effet. C’est aussi une première notion, que toute la réalité, ou toute la perfection, qui n’est qu’objectivement dans les idées, doit être formellement ou éminemment dans leurs causes ; et toute l’opinion que nous avons jamais eue de l’existence des choses