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dissent à son intention ou à son décret. Que, s’il a endurci et aveuglé Pharaon, et s’il a mis dans les prophètes un esprit de mensonge, comment pouvez-vous dire que nous ne pouvons être trompés par lui ? Dieu ne peut-il pas se comporter envers les hommes comme un médecin envers ses malades et un père envers ses enfants, lesquels l’un et l’autre trompent si souvent, mais toujours avec prudence et utilité ; car si Dieu nous montroit la vérité toute nue, quel œil ou plutôt quel esprit auroit assez de force pour la supporter ? Combien qu’à vrai dire il ne soit pas nécessaire de feindre un Dieu trompeur afin que vous soyez déçu dans les choses que vous pensez connoître clairement et distinctement, vu que la cause de cette déception peut être en vous, quoique vous n’y songiez seulement pas. Car que savez-vous si votre nature n’est point telle qu’elle se trompe toujours, ou du moins fort souvent ? Et d’où avez-vous appris que, touchant les choses que vous pensez connoître clairement et distinctement, il est certain que vous n’êtes jamais trompé, et que vous ne le pouvez être ? Car combien de fois avons-nous vu que des personnes se sont trompées en des choses qu’elles pensoient voir plus clairement que le soleil ? Et partant, ce principe d’une claire et distincte connoissance doit être expliqué si clairement et si distinctement que personne désormais, qui ait l’es-