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offerte à votre esprit, si vous eussiez passé toute votre vie dans un désert, et non point en la compagnie de personnes savantes ? et ne peut-on pas dire que vous l’avez puisée des pensées que vous avez eues auparavant, des enseignements des livres, des discours et entretiens de vos amis, etc., et non pas de votre esprit seul ou d’un souverain être existant ? Et partant il faut prouver plus clairement que cette idée ne pourrait être en vous, s’il n’y avoit point de souverain être ; et alors nous serons les premiers à nous rendre à votre raisonnement, et nous y donnerons tous les mains. Or, que cette idée procède de ces notions anticipées, cela paroît, ce semble, assez clairement de ce que les Canadiens, les Hurons et les autres hommes sauvages n’ont point en eux une telle idée, laquelle vous pouvez même former de la connoissance que vous avez des choses corporelles ; en sorte que votre idée ne représente rien que ce monde corporel, qui embrasse toutes les perfections que vous sauriez imaginer : de sorte que vous ne pouvez conclure autre chose, sinon qu’il y a un être corporel très parfait, si ce n’est que vous ajoutiez quelque chose de plus qui élève notre esprit jusqu’à la connoissance des choses spirituelles ou incorporelles. Nous pouvons ici encore dire que l’idée d’un ange peut être en vous aussi bien que celle d’un être très parfait, sans qu’il soit besoin pour cela qu’elle