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c’est une plus grande perfection d’être en effet et dans l’entendement que d’être seulement dans l’entendement, je ne puis pas de là conclure que ce corps très parfait existe, mais seulement qu’il peut exister. Car je reconnois assez que cette idée a été faite par mon entendement même, lequel a joint ensemble toutes les perfections corporelles ; et aussi que l’existence ne résulte point des autres perfections qui sont comprises en la nature du corps, pourceque l’on peut également affirmer ou nier qu’elles existent, c’est-à-dire les concevoir comme existantes ou non existantes. Et de plus, à cause qu’en examinant l’idée du corps, je ne vois en lui aucune force par laquelle il se produise ou se conserve lui-même, je conclus fort bien que l’existence nécessaire, de laquelle seule il est ici question, convient aussi peu à la nature du corps, tant parfait qu’il puisse être, qu’il appartient à la nature d’une montagne de n’avoir point de vallée, ou à la nature du triangle d’avoir ses trois angles plus grands que deux droits. Mais maintenant si nous demandons, non d’un corps, mais d’une chose, telle qu’elle puisse être, qui ait en soi toutes les perfections qui peuvent être ensemble, savoir si l’existence doit être comptée parmi elles ; il est vrai que d’abord nous en pourrons douter, parceque notre esprit, qui est fini, n’ayant coutume de les considérer que séparées, n’apercevra peut-être pas du