Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/385

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comme aussi parceque la lumière naturelle ne nous dicte point que ce soit le propre de la cause efficiente de précéder en temps son effet ; car au contraire, à proprement parler, elle n’a point le nom ni la nature de cause efficiente, sinon lorsqu’elle produit son effet, et partant elle n’est point devant lui. Mais certes la lumière naturelle nous dicte qu’il n’y a aucune chose de laquelle il ne soit loisible de demander pourquoi elle existe, ou bien dont on ne puisse rechercher la cause efficiente ; ou, si elle n’en a point, demander pourquoi elle n’en a pas besoin ; de sorte que, si je pensois qu’aucune chose ne peut en quelque façon être à l’égard de soi-même ce que la cause efficiente est à l’égard de son effet, tant s’en faut que de là je voulusse conclure qu’il y a une première cause, qu’au contraire de celle-là même qu’on appelleroit première, je rechercherois derechef la cause, et ainsi je ne viendrois jamais à une première. Mais certes j’avoue franchement qu’il peut y avoir quelque chose dans laquelle il y ait une puissance si grande et si inépuisable qu’elle n’ait jamais eu besoin d’aucun secours pour exister, et qui n’en ait pas encore besoin maintenant pour être conservée, et ainsi qui soit en quelque façon la cause de soi-même ; et je conçois que Dieu est tel car, tout de même que bien que j’eusse été de toute éternité, et que par conséquent il n’y eût rien eu avant moi,