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sans preuves que par les savants. De sorte qu’il ne se faut pas fort étonner si ceux-là interrogent beaucoup qui désirent savoir plus que les autres, et s’ils s’arrêtent long-temps à considérer ce qu’ils savent avoir été dit et avancé, comme le premier et principal fondement de toute l’affaire, et que néanmoins ils ne peuvent entendre sans une longue recherche et une très grande attention d’esprit.

Mais demeurons d’accord de ce principe, et supposons que quelqu’un ait l’idée claire et distincte d’un être souverain et souverainement parfait : que prétendez-vous inférer de là ? C’est à savoir que cet être infini existe ; et cela si certainement, « que je dois être au moins aussi assuré de l’existence de Dieu, que je l’ai été jusques ici de la vérité des démonstrations mathématiques ; en sorte qu’il n’y a pas moins de répugnance de concevoir un Dieu, c’est-à-dire un être souverainement parfait, auquel manque l’existence, c’est-à-dire auquel manque quelque perfection, que de concevoir une montagne qui n’ait point de vallée[1]. » C’est ici le nœud de toute la question ; qui cède à présent, il faut qu’il se confesse vaincu : pour moi, qui ai affaire avec un puissant adversaire, il faut que j’esquive un peu, afin qu’ayant à être vaincu, je diffère au moins pour quelque temps ce que je ne puis éviter.

  1. Voyez Méditation V, page 313