Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/348

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qu’encore bien qu’il n’y eût en lui aucun esprit, il ne laisseroit pas de se mouvoir en toutes les mêmes façons qu’il fait à présent, lorsqu’il ne se meut point par la direction de sa volonté, ni par conséquent par l’aide de l’esprit, mais seulement par la disposition de ses organes, je reconnois facilement qu’il seroit aussi naturel à ce corps, étant par exemple hydropique, de souffrir la sécheresse du gosier, qui a coutume de porter à l’esprit le sentiment de la soif, et d’être disposé par cette sécheresse à mouvoir ses nerfs et ses autres parties en la façon qui est requise pour boire, et ainsi d’augmenter son mal et se nuire à soi-même, qu’il lui est naturel, lorsqu’il n’a aucune indisposition, d’être porté à boire pour son utilité par une semblable sécheresse de gosier ; et quoique, regardant à l’usage auquel une horloge a été destinée par son ouvrier, je puisse dire qu’elle se détourne de sa nature lorsqu’elle ne marque pas bien les heures ; et qu’en même façon, considérant la machine du corps humain comme ayant été formée de Dieu pour avoir en soi tous les mouvements qui ont coutume d’y être, j’aie sujet de penser qu’elle ne suit pas l’ordre de sa nature quand son gosier est sec, et que le boire nuit à sa conservation ; je reconnais toutefois que cette dernière façon d’expliquer la nature est beaucoup différente de l’autre : car celle-ci n’est autre chose qu’une certaine dénomi-