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ner le peuple, mais que le philosophe concevra sans peine. Descartes est plus sûr de l’existence de son âme que de celle de son corps. En effet, que sont toutes les sensations, sinon un avertissement éternel pour l’âme qu’elle existe ? Peut-elle sortir hors d’elle-même sans y rentrer à chaque instant par la pensée ? Quand je parcours tous les objets de l’univers, ce n’est jamais que ma pensée que j’aperçois. Mais comment cette âme franchit-elle l’intervalle immense qui est entre elle et la matière ? Ici Descartes reprend son analyse et le fil de sa méthode. Pour juger s’il existe des corps, il consulte d’abord ses idées. Il trouve dans son âme les idées générales d’étendue, de grandeur, de figure, de situation, de mouvement, et une foule de perceptions particulières. Ces idées lui apprennent bien l’existence de la matière, comme objet mathématique, mais ne lui disent rien de son existence physique et réelle. Il interroge ensuite son imagination. Elle lui offre une suite de tableaux où des corps sont représentés : sans doute l’original de ces tableaux existe, mais ce n’est encore qu’une probabilité. Il remonte jusqu’à ses sens. Ce sont eux qui font la communication de l’âme et de l’univers ; ou plutôt ce sont eux qui créent l’univers pour l’âme. Ils lui portent chaque portion du monde en détail ; par une métamorphose rapide, la sensation devient idée, et l’âme voit dans cette idée,