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noissance de toutes les choses dont je puis délibérer, il a au moins laissé en ma puissance l’autre moyen, qui est de retenir fermement la résolution de ne jamais donner mon jugement sur les choses dont la vérité ne m’est pas clairement connue ; car quoique j’expérimente en moi cette foiblesse de ne pouvoir attacher continuellement mon esprit à une même pensée, je puis toutefois, par une méditation attentive et souvent réitérée, me l’imprimer si fortement en la mémoire, que je ne manque jamais de m’en ressouvenir toutes les fois que j’en aurai besoin, et acquérir de cette façon l’habitude de ne point faillir ; et d’autant que c’est en cela que consiste la plus grande et la principale perfection de l’homme, j’estime n’avoir pas aujourd’hui peu gagné par cette méditation, d’avoir découvert la cause de l’erreur et de la fausseté.

Et certes il n’y en peut avoir d’autres que celle que je viens d’expliquer : car toutes les fois que je retiens tellement ma volonté dans les bornes de ma connoissance, qu’elle ne fait aucun jugement que des choses qui lui sont clairement et distinctement représentées par l’entendement, il ne se peut faire que je me trompe ; parceque toute conception claire et distincte est sans doute quelque chose, et partant elle ne peut tirer son origine du néant, mais doit nécessairement avoir Dieu pour son auteur ; Dieu, dis-je, qui étant souverainement