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sans interrompre l’ordre de méditer que je me suis proposé, qui est de passer par degrés des notions que je trouverai les premières en mon esprit, à celles que j’y pourrai trouver par après, il faut ici que je divise toutes mes pensées en certains genres, et que je considère dans lesquels de ces genres il y a proprement de la vérité ou de l’erreur.

Entre mes pensées, quelques unes sont comme les images des choses, et c’est à celles-là seules que convient proprement le nom d’idée ; comme lorsque je me représente un homme, ou une chimère, ou le ciel, ou un ange, ou Dieu même. D’autres, outre cela, ont quelques autres formes ; comme lorsque je veux, que je crains, que j’affirme ou que je nie, je conçois bien alors quelque chose comme le sujet de l’action de mon esprit, mais j’ajoute aussi quelque autre chose par cette action à l’idée que j’ai de cette chose-là ; et de ce genre de pensées, les unes sont appelées volontés ou affections, et les autres jugements.

Maintenant, pour ce qui concerne les idées, si on les considère seulement en elles-mêmes, et qu’on ne les rapporte point à quelque autre chose, elles ne peuvent, à proprement parler, être fausses ; car soit que j’imagine une chèvre ou une chimère, il n’est pas moins vrai que j’imagine l’une que l’autre. Il ne faut pas craindre aussi qu’il se puisse