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occasions de douter des formes de parler que le vulgaire a inventées : j’aime mieux passer outre, et considérer si je concevois avec plus d’évidence et de perfection ce que c’étoit que de la cire, lorsque je l’ai d’abord aperçue, et que j’ai cru la connoître par le moyen des sens extérieurs, ou à tout le moins par le sens commun, ainsi qu’ils appellent, c’est-à-dire par la faculté imaginative, que je ne la conçois à présent, après avoir plus soigneusement examiné ce qu’elle est et de quelle façon elle peut être connue. Certes il seroit ridicule de mettre cela en doute. Car qu’y avoit-il dans cette première perception qui fût distinct ? qu’y avoit-il qui ne semblât pouvoir tomber en même sorte dans le sens du moindre des animaux ? Mais quand je distingue la cire d’avec ses formes extérieures, et que, tout de même que si je lui avois ôté ses vêtements, je la considère toute nue, il est certain que, bien qu’il se puisse encore rencontrer quelque erreur dans mon jugement, je ne la puis néanmoins concevoir de cette sorte sans un esprit humain.

Mais enfin que dirai-je de cet esprit, c’est-à-dire de moi-même, car jusques ici je n’admets en moi rien autre chose que l’esprit ? Quoi donc ! moi qui semble concevoir avec tant de netteté et de distinction ce morceau de cire, ne me connois-je pas moi-même, non seulement avec bien plus de