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insinué et répandu dans mes plus grossières parties. Pour ce qui étoit du corps, je ne doutois nullement de sa nature ; mais je pensois la connoître fort distinctement ; et si je l’eusse voulu expliquer suivant les notions que j’en avois alors, je l’eusse décrite en cette sorte : Par le corps, j’entends tout ce qui peut être terminé par quelque figure ; qui peut être compris en quelque lieu, et remplir un espace en telle sorte que tout autre corps en soit exclu ; qui peut être senti, ou par l’attouchement, ou par la vue, ou par l’ouïe, ou par le goût, ou par l’odorat ; qui peut être mû en plusieurs façons, non pas à la vérité par lui-même, mais par quelque chose d’étranger duquel il soit touché et dont il reçoive l’impression : car d’avoir la puissance de se mouvoir de soi-même, comme aussi de sentir ou de penser, je ne croyois nullement que cela appartînt à la nature du corps ; au contraire, je m’étonnois plutôt de voir que de semblables facultés se rencontroient en quelques uns.

Mais moi, qui suis-je, maintenant que je suppose qu’il y a un certain génie qui est extrêmement puissant, et, si j’ose le dire, malicieux et rusé, qui emploie toutes ses forces et toute son industrie à me tromper ? Puis-je assurer que j’aie la moindre chose de toutes celles que j’ai dites naguère appartenir à la nature du corps ? Je m’arrête