Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.

archives des nations et monuments des découvertes antiques. Descartes, à leur exemple, ramasse tout ce qui peut l’instruire. Mais tant d’idées acquises dans ses voyages ne lui auroient encore servi de rien, s’il n’avoit eu l’art de se les approprier par des méditations profondes ; art si nécessaire au philosophe, si inconnu au vulgaire, et peut-être si étranger à l’homme. En effet, qu’est-ce que méditer ? C’est ramener au dedans de nous notre existence répandue tout entière au dehors ; c’est nous retirer de l’univers pour habiter dans notre âme ; c’est anéantir toute l’activité des sens pour augmenter celle de la pensée ; c’est rassembler en un point toutes les forces de l’esprit ; c’est mesurer le temps, non plus par le mouvement et par l’espace, mais par la succession lente ou rapide des idées. Ces méditations, dans Descartes, avoient tourné en habitude (7) ; elles le suivoient partout : dans les voyages, dans les camps, dans les occupations les plus tumultueuses, il avoit toujours un asile prêt où son âme se retiroit au besoin. C’étoit là qu’il appeloit ses idées ; elles accouroient en foule : la méditation les faisoit naître, l’esprit géométrique venoit les enchaîner. Dès sa jeunesse il s’étoit avidement attaché aux mathématiques, comme au seul objet qui lui présentoit l’évidence (8). C’étoit là que son âme se reposoit de l’inquiétude qui la tourmentoit par-