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du Rhône et du Danube, et de là s’élevant par la pensée vers les cieux, qu’il paroît toucher, pénétrant dans les réservoirs destinés à fournir à l’Europe ces amas d’eaux immenses ; quelquefois observant à ses pieds les espèces innombrables de végétaux semés par la nature sur le penchant des précipices, ou, entre les pointes des rochers ; quelquefois mesurant la hauteur de ces montagnes de glace, qui semblent jetées dans les vallons des Alpes pour les combler, ou méditant profondément à la lueur des orages (6). Ah ! c’est dans ces moments que l’âme du philosophe s’étend, devient immense et profonde comme la nature ; c’est alors que ses idées s’élèvent et parcourent l’univers. Insatiable de voir et de connoître, partout où il passe, Descartes interroge la vérité ; il la demande à tous les lieux qu’il parcourt, il la poursuit de pays en pays. Dans les villes prises d’assaut, ce sont les savants qu’il cherche. Maximilien de Bavière voit dans Prague, dont il s’est rendu maître, la capitale d’un royaume conquis ; Descartes n’y voit que l’ancien séjour de Tycho-Brahé. Sa mémoire y étoit encore récente ; il interroge tous ceux qui l’ont connu, il suit les traces de ses pensées ; il rassemble dans les conversations le génie d’un grand homme. Ainsi voyageoient autrefois les Pythagore et les Platon, lorsqu’ils alloient dans l’Orient étudier ces colonnes,