Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/18

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Ce fut là peut-être son premier ressort. Elle y ajoute ce désir d’être utile aux hommes, qui s’étend à tous les siècles et à toutes les nations ; désir qu’on ne s’étoit point encore avisé de calomnier. Elle lui donne ensuite, pour tout le temps de sa jeunesse, une activité inquiète (3), ces tourments du génie, ce vide d’une âme que rien ne remplit encore, et qui se fatigue à chercher autour d’elle ce qui doit la fixer. Alors elle le promène dans l’Europe entière, et fait passer rapidement sous ses yeux les plus grands spectacles. Elle lui présente, en Hollande, un peuple qui brise ses chaînes et devient libre, le fanatisme germant au sein de la liberté, les querelles de la religion changées en factions d’état ; en Allemagne, le choc de la ligue protestante et de la ligue catholique, le commencement d’un carnage de trente années ; aux extrémités de la Pologne, dans le Brandebourg, la Poméranie et le Holstein, les contre-coups de cette guerre affreuse ; en Flandre, le contraste de dix provinces opulentes restées soumises à l’Espagne, tandis que sept provinces pauvres combattoient depuis cinquante ans pour leur liberté ; dans la Valteline, les mouvements de l’ambition espagnole, les précautions inquiètes de la cour de Savoie ; en Suisse, des lois et des mœurs, une pauvreté fière, une liberté sans orages ; à Gênes, toutes les factions des républiques,