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noissance qu’on en a est imparfaite. Le plan de Descartes étoit de donner trente-six règles, c’est-à-dire douze pour chacune de ses divisions. Il n’a exécuté que la moitié de l’ouvrage ; mais il est aisé de voir par cet essai comment il portoit l’esprit de système et d’analyse dans toutes ses recherches, et avec quelle adresse il décomposoit, pour ainsi dire, tout le mécanisme du raisonnement.

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Les Méditations métaphysiques de Descartes parurent en 1641. C’étoit, de tous ses ouvrages, celui qu’il estimoit le plus. Il le louoit avec un enthousiasme de bonne foi ; car il croyoit avoir trouvé le moyen de démontrer les vérités métaphysiques d’une manière plus évidente que les démonstrations de géométrie. Ce qui caractérise surtout cet ouvrage, c’est qu’il contient sa fameuse démonstration de Dieu par l’idée, démonstration si répétée depuis, adoptée par les uns, et rejetée par les autres ; et qu’il est le premier où la distinction de l’esprit et de la matière soit parfaitement développée, car avant Descartes on n’avoit point encore bien approfondi les preuves philosophiques de la spiritualité de l’âme. Une chose remarquable, c’est que Descartes ne donna cet ouvrage au public que par principe de conscience. Ennuyé des tracasseries qu’on lui suscitoit depuis trois ans pour ses Essais de philosophie, il avoit résolu de ne plus rien imprimer. J’aurois, dit-il, une vingtaine d’approbateurs et des milliers d’ennemis : ne vaut-il pas mieux me taire, et m’instruire en silence ? Il crut cependant qu’il ne devoit pas supprimer un ouvrage qui pouvoit fournir ou de nouvelles preuves de l’existence de Dieu, ou de nouvelles lumières sur la nature de l’âme. Mais, avant de le risquer, il le communiqua à tous les hommes les plus savants de l’Europe, recueillit leurs objections, et y répondit. Le célèbre Arnauld fut du nombre de ceux qu’il consulta. Arnauld n’avoit alors que vingt-huit ans. Descartes fut étonné de la profondeur et de l’étendue de génie qu’il trouva