Page:Œuvres de Chaulieu (Pissot 1777) - Tome 1.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion, quand elle s’allumoit par mon enjouement naturel, l’occasion, la gaieté de la table, la galanterie, & plus que tout cela, par l’envie de plaire à des Princes, à tant d’illustres amis que j’ai eus, plus distingués par leur agrément & par leur esprit que par leur naissance & leur dignité, & tous ensemble aussi libertins que moi. L’applaudissement de tant de gens d’esprit, & le malheureux amour-propre, dont il est impossible de se défendre, qui rehausse le prix de ce que nous possédons, me persuada alors que je pouvois tenter tout ce que l’étendue d’une imagination brillante & féconde pouvoit mettre au jour : cette pensée me flatta. Je crus posséder quelque partie de ce trésor inestimable : séduit par ces erreurs plutôt que guidé par la raison, je voulus faire quelque chose de singulier ; je m’abandonnai tout entier à mon génie. Je pensai que l’imagination portée à un certain degré, pouvoit égayer ce qu’il y a de plus triste, conserver les ornemens