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plus à loisir. Le soir, que nous prenions le frais sur le bord du Rhône, par un beau clair de lune, nous rencontrâmes un homme qui se promenoit, qui nous sembla avoir de l’air du sieur d’Assouci. Son manteau, qu’il portoitsur le nez, empêchoit qu’on ne le pût bien voir au visage. Dans cette incertitude, nous prîmes la liberté de l’accoster et de lui demander :

« Est-ce vous, monsieur d’Assouci ? »
« Oui, c’est moi, messieurs ; me voici
N’ayant plus pour tout équipage
Que mes vers, mon luth et mon page.

Vous me voyez sur le pavé
En désordre, malpropre et sale ;
Aussi je me suis esquivé
Sans emporter paquet ni malle ;
Mais enfin, me voilà sauvé,
Car je suis en terre papale. »

Il avoit effectivement avec lui le même page que nous lui avions vu lorsqu’il se sauva de Montpellier, et que l’obscurité nous avoit empêché de pouvoir discerner. Il nous prit envie de savoir au vrai ce que c’étoit que ce petit garçon, et quelle belle qualité l’obligeoit à le mener avec lui ; nous le questionnâmes donc assez malicieusement, lui disant :

« Ce petit garçon qui vous suit
Et qui derrière vous se glisse,
Que sait-il ? En quel exercice,