Page:Œuvres de Chapelle et de Bachaumont.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous gagnâmes avec bien de la peine notre logis, où nous apprîmes, en arrivant, qu’un homme de condition avoit fait sauver ce malheureux, et quelque temps après on vint nous dire que toute la ville étoit en rumeur, que les femmes y faisoient une sédition, et qu’elles avoient déjà déchiré deux ou trois personnes, pour être seulement soupçonnées de connoître d’Assouci. Cela nous fit une très grande frayeur ;

Et, de peur d’être pris aussi
Pour amis du sieur d’Assouci,
Ce fut à nous de faire gille.
Nous fûmes donc assez prudents
Pour quitter d’abord cette ville,
Et cela fut d’assez bon sens.

Nous nous sauvons donc comme des criminels par une porte écartée, et prenons le chemin de Massillargues28, espérant d’y pouvoir arriver avant la nuit. À une demi-lieue de Montpellier, nous rencontrâmes notre d’Assouci avec un petit page assez joli qui le suivoit. En deux mots il nous conta ses disgrâces ; aussi n’avions-nous pas le loisir d’écouter un long discours, ni de le faire. Chacun donc alla de son côté, lui fort vite, quoiqu’à pied, et nous doucement, à cause que nos chevaux étaient fatigués. Nous arrivâmes devant la nuit chez M. de Cauvisson, qui pensa mourir de rire de notre aventure. Il prit le soin, par sa bonne chère et par ses bons lits, de nous faire


28. Bourg à quelques lieues de Montpellier.