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encore son carrosse pour aller à Narbonne, quoiqu’il y eût une grande journée. Le temps étoit si beau que nous espérions, le lendemain, sur nos chevaux frais et qui suivoient en main depuis Encausse, aller coucher près de Montpellier. Mais, par malheur,

Dans cette vilaine Narbonne
Toujours il pleut, toujours il tonne.
Toute la nuit doncques il plut,
Et tant d’eau cette nuit il chut,
Que la campagne submergée
Tint deux jours la ville assiégée.

Que cela ne vous surprenne point ! Quand il pleut six heures en cette ville, comme c’est toujours par orage et qu’elle est située dans un fond tout environné de montagnes, en peu de temps les eaux se ramassent en si grande abondance, qu’il est impossible d’en sortir sans courir risque de se noyer. Nous voulûmes pourtant le hasarder ; mais l’accident d’un laquais emporté par une ravine, et qui sans doute étoit perdu si son cheval ne l’eût sauvé à la nage, nous fit rentrer bien vite pour attendre que les passages fussent libres. Des messieurs que nous trouvâmes se promenant dans la grande place, et qui nous parurent être des principaux du pays, ayant appris notre aventure, crurent qu’il étoit de leur honneur de ne nous laisser pas ennuyer. Ils nous voulurent donc faire voir les raretés de leur ville, et nous menèrent d’abord dans l’église cathédrale, qu’ils prétendoient être un chef-d’œuvre pour la hauteur et