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une effroyable quantité de vins, mais ils n’emportent pas les meilleurs. On les traite d’Allemands, et nous apprîmes qu’il étoit défendu non seulement de leur en vendre pour l’enlever, mais encore de leur en laisser boire dans les cabarets. Après être descendus sur la grève et avoir admiré quelque temps la situation de cette ville, nous nous retirâmes au Chapeau-Rouge, où M. Talleman nous vint prendre aussitôt qu’il sut notre arrivée. Depuis ce moment, nous ne nous retirâmes dans notre logis, pendant notre séjour à Bordeaux, que pour y coucher. Les journées toutes entières se passoient le plus agréablement du monde chez M. l’intendant : car les plus honnêtes gens de la ville n’ont pas d’autre réduit que sa maison. Il n’y a point d’homme dans le parlement qui ne soit ravi d’être de ses amis. Il a trouvé même que la plupart étoient ses cousins ; et on le croiroit plutôt le premier président de la province que l’intendant. Enfin, il est toujours le même que vous l’avez vu, hormis que sa dépense est plus grande. Mais, pour madame l’intendante, nous vous dirons en secret qu’elle est tout à fait changée.

Quoique sa beauté soit extrême,
Qu’elle ait toujours ce grand œil bleu
Plein de douceur et plein de feu,
Elle n’est pourtant plus la même :
Car nous avons appris qu’elle aime,
Et qu’elle aime bien fort le jeu.

Elle, qui ne connoissoit pas autrefois les car-