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Mais, sitôt que par son flambeau
La lumière nous fut rendue,
Rien ne s’offrit à notre vue
Que le ciel et notre bateau,
Tout seul dans la vaste étendue
D’une affreuse campagne d’eau.

La Garonne est effectivement si large depuis qu’au Bec des Landes d’Ambez elle est jointe avec la Dordogne, qu’elle ressemble tout à fait à la mer ; et ses marées montent avec tant d’impétuosité, qu’en moins de quatre heures nous fîmes le trajet ordinaire,

Et vîmes au milieu des eaux
Devant nous paroître Bordeaux,
Dont le port en croissant resserre
Plus de barques et de vaisseaux
Qu’aucun autre port de la terre.

Sans mentir, la rivière en étoit alors si couverte, que notre felouque eût bien de la peine à trouver une place pour aborder. La foire, qui se devoit tenir dans peu de jours, avoit attiré cette grande quantité de navires et de marchands, quasi de toutes les nations, pour charger les vins de ce pays :

Car ce fâcheux et rude port
En cette saison a la gloire
De donner tous les ans à boire
Presque à tous les peuples du nord.

Ces marchands emportent de là tous les ans