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Puisqu’on veut que tout cela soit de la biographie, je puis citer aussi une autre histoire où figure un grand, bien autrement grand que le duc de Brissac, et qui prouve que Chapelle ne se gênoit pas assez avec eux pour craindre le servage dont Plutarque menace ceux qui les suivent.

Le grand Condé l’avoit invité à souper deux jours d’avance, pendant un séjour de Fontainebleau. Le jour arrivé, Chapelle pousse sa promenade du côté du Mail et s’amuse à regarder jouer quelques officiers avec des personnes de la cour. Il devient bientôt un des éléments de la galerie, juge plusieurs coups, et, le jeu fini, les joueurs parviennent aisément à l’emmener dans un cabaret voisin prendre sa part du repas qui avoit servi d’enjeu. Là il s’oublie, suivant son usage, avec des gens fort disposés à s’oublier aussi, et que charme sa gaîté pleine d’esprit et de verve. Cela dure plusieurs heures, et dépasse de beaucoup celle qui avoit été fixée par le grand Condé. Le lendemain, Chapelle va trouver le prince et se croit parfaitement excusé par le récit de son aventure, qu’il termine ainsi : « Je vous assure, monseigneur, que c’étoient des gens fort aisés à vivre que ceux qui m’ont donné ce souper. » L’on pense bien que le prince de Condé ne s’amusa pas à se formaliser d’un manque de parole si naïvement expliqué.