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Où de tous biens la terre est en veuvage,
Gagner Surate et son port ou barrage,
D’où repartant de peur que sauvagif
Ne nous y trouve et ne nous y saccage,
Dans le Bengale, en quelque heureux mouillage,
Comme en ces lieux l’air est dessiccatif,
Aller goûter le frais restauratif
Du savoureux et tant vanté breuvage,
Que du coco, sans aucun expressif,
Tire le simple et seul apéritif.
Pour donc te rendre un dernier témoignage
Que, chaque jour plus imaginatif,
De l’Univers au coin le plus sauvage
Il peut aller, par tout pénétratif,
Notre pilote assure encore et gage
De te mener jusqu’à l’anthropophage,
En tout contraire au Banian pensif,
Qui, dans sa hutte ou sous l’épais feuillage,
Le long du Gange entretient son ménage,
Et croit son cours si purificatif
Qu’il y nettoie en tout temps son corsage,
Et qui, content d’herbes et de laitage,
De ce qui vit ne fait son nutritif,
Et simplement s’adonne au labourage,
De Pythagore en tout imitatif,
Au lieu que l’autre, âpre au sang et carnage,
Sur chair humaine exerce brigandage,
Et, trop glouton et trop vindicatif,
Ose s’en faire un horrible apanage.
D’où comme il faut bientôt plier bagage,
Et de s’enfuir n’être pas trop tardif,
Si tu m’as vu, toujours plein de courage,