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mes bras, mais, quand j'allais goûter le plaisir, Vénus me rappelait ma maîtresse, et trahissait mon ardeur. Alors cette belle descendait de ma couche, en disant qu'on m'avait jeté un sort : maintenant, j'en rougis, elle raconte qu'elle sait un secret peu flatteur pour moi.

Mais ce n'était point l'effet des paroles magiques : ce qui ensorcèle, c'est la beauté de Délie, ses jolis bras, sa blonde chevelure. La fille de Nérée, Thétis, reine des mers, n'était pas plus belle quand un poisson docile la porta sur les côtes de la Thessalie, près de Pélée.

Voilà ce qui me glaçait près d'une autre. Si un riche aujourd'hui la possède, c'est une infâme séductrice dont les ruses ont causé mon malheur. Qu'elle se repaisse de chairs saignantes ; que sa bouche ensanglantée s'abreuve d'un fiel amer ; que les ombres des amants malheureux viennent voltiger autour d'elle en déplorant leur sort, et qu'en tout temps la chouette sinistre crie du haut de son toit ; pressée de l'aiguillon de la faim, qu'elle aille elle-même sur les tombeaux chercher des herbes et les ossements épargnés par la voracité des loups ; qu'elle coure nue par les villes en hurlant, et poursuivie de carrefour en carrefour par une troupe de chiens en fureur.

Mes voeux seront exaucés, un dieu me le promet : il est des dieux pour les amants ; Vénus sévit contre l'impie qui a violé ses lois.