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sordide parcimonie dont ils avaient pris l’habitude dans leur pauvre famille, et à quelque aisance qu’ils parviennent, chez eux, la main qui reçoit est toujours plus grande que celle qui donne. Leur imagination s’est étiolée sous les froides et humides solives du toit paternel ; quand le soleil luit sur eux, elle ne repousse plus. Une fois prêtres, ils ne lisent plus que leur bréviaire — ceux qui le lisent ; — ils restent étrangers à nos arts, à notre littérature ; à nos sciences, et même à notre histoire ; ils ne savent parler que de leur jardin, de leur cave, de leur basse-cour : vous aimeriez mieux causer une heure avec le rustre le plus fieffé du village — pourvu qu’il ne sentît pas l’oignon — qu’un quart-d’heure avec certains d’entre eux. La trivialité de leur esprit se révèle, du reste, par celle de leur personne : leurs formes sont lourdes, épaisses, carrées comme celles d’un vieux bœuf ; dans cette chair il n’y a rien qui soit sentiment et pensée. Quand vous rencontrez un curé de campagne sur votre chemin, vous diriez un vigneron qui, en revenant de son coteau, a trouvé la défroque d’un ecclésiastique, et l’a endossée. Comment de tels prêtres peuvent-ils en imposer au peuple ? Ils produisent, lorsqu’ils sont à l’autel, la même dissonnance qu’une sainte Vierge à laquelle on aurait donné la tournure d’une nourrice, ou qu’un Christ qui aurait l’air d’un professeur de bâton. Les railleries qu’on leur jette de tous côtés sont mauvaises, j’en conviens, et elles tombent à terre ; mais toujours est-il qu’elles rejaillissent sur leur ministère. Loin donc de contribuer de mon argent à faire arriver le fils d’un pauvre ouvrier à la prêtrise, si j’étais concile, je voudrais qu’on ne pût conférer les ordres qu’à des individus jouissant d’au moins mille francs de rente.

Les Ignorantins ont aussi, sans doute, l’honneur d’être un établissement diocésain… Quant à ceux-ci, je les tiens assez riches des éloges et des bénédictions de leur évêque. Ce sont des gens qu’on ne voudrait pas tuer, mais auxquels on sérail bien fâché d’aider à vivre. S’il fallait absolument les aumôner pour me racheter de