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presbytère ; misérables qui tuent leur enfant pour en manger le cœur !

Ils étaient vignerons, tisserands, cardeurs de laine ; ils n’avaient pas seulement de quoi acheter un rabat à leur abbé. Aussi ont-ils mendié son éducation à tous les portes, et, dans le trousseau qu’il emporte au séminaire, il n’y a souvent pas un fil qui n’ait été le produit d’une aumône. Que résulte-t-il de là ? c’est que le pauvre jeune homme est à peine en possession d’une cure, que son père, sa mère, sa grande sœur lui tombent sur les bras, et souvent il y a un petit frère pour appoint. Lui, prêtre de fortune, qui ne possède que le bréviaire et la soutane, qui n’a que tout juste de quoi vivre dans un économique célibat, il se trouve tout d’un coup chargé d’une nombreuse famille à laquelle une longue diète a aiguisé les dents, et qu’il faut habiller de neuf. Pour rassasier tous ces appétits, pour fournir à tous ces besoins, il est obligé de tirer de son petit autel tout ce qu’il peut produire ; il est âpre envers le riche, impitoyable envers le malheureux : de celui qui ne peut donner d’argent, il prend de la toile ou de la filasse. Il est bien entendu que la porte du presbytère est close aux pauvres : si quelque pauvre s’avisait d’y sonner, la vieille mère du curé le dévorerait. Cette misère, si héroïquement supportée, et qui devrait le rehausser, ne fait que le ravaler dans l’esprit de ses paroissiens. M. le maire se croit infiniment au-dessus de lui ; le paysan qui a un journal ou deux de terre se trouve son égal, tous ne voient en lui qu’un pauvre diable parvenu, et, quand ils n’ont pas autre chose à lui reprocher, ils lui reprochent a profession de son père. De là vient qu’il est sans autorité dans la commune, qu’on n’y écoute point sa parole, qu’on n’y suit point son exemple, et que son ministère est à peu près stérile.

Puis, chez la plupart de ces prêtres, ni l’éducation ni le bien-être d’une condition meilleure n’effacent la rouille de leur naissance. Ces âmes, trop longtemps et trop violemment courbées sous la pression de la misère, ne se relèvent plus ; ils ont gardé cette