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vos jeûnes, mettez-le soigneusement de côté, et quand vous aurez réuni deux pièces de cinq francs, allez acheter deux mesures de blé à cette pauvre veuve qui a cinq enfants et n’a pas de pain à leur donner, ou une couverture de laine à votre vieux voisin qui grelotte, malade et sans feu, sur son grabat. Ainsi, la charité aura fécondé votre jeûne, et Dieu agréera votre pénitence parce qu’elle aura été profitable aux hommes. »

Toutefois, j’accorderai, s’il le veut, à M. Dufêtre, qu’on peut, par l’aumône, se racheter du carême, et même se donner, pendant ces jours, toutes les liesses du carnaval ; mais, l’argent que nous mettrions au tronc de ses établissements diocésains, serait-ce bien une aumône ? fait-on l’aumône à des gens qui ne manquent que du superflu ? Dieu n’a envoyé l’aumône sur la terre que pour les malheureux, et elle ne s’arrête que devant leur humble seuil. Vous la voyez parcourant les rues avec un paquet de bardes dans une main, et une corbeille de pain dans l’autre ; or, si elle rencontrait un prêtre le nez dans son manteau, ou un ignorantin enterré sous son capuce, qu’aurait-elle à leur offrir ? Ne savez-vous point, à la fin de cette rigoureuse saison, tout ce qu’il y a de misère dans la ville ? Il y a des ouvriers qui ont vendu, pour avoir le pain quotidien, tout ce qui n’était pas haillon parmi leurs bardes ; il y a des familles qu’on jette à la rue, parce qu’elles n’ont pas de quoi payer le loyer de leur galetas ; il y a de pauvres mères qui n’ont, pour envelopper leur nourrisson, que de hideuses guenilles, et n’ont pas assez de lait dans leurs mamelles pour lui mettre aux joues un peu de rose, et vous voulez, qu’en présence de ces misères vives et criantes qui sont sous nos yeux, qui supplient à nos portes, qui troublent notre repos de leurs gémissements, nous fassions attention à vos misères postichées, délibérées et arrêtées dans votre chapitre !… Oh ! non. Si nous agissions ainsi, nous serions de mauvais chrétiens, et Dieu ne nous bénirait pas. Que vos béates prennent pour elles, si elles le veulent, celle