Page:Œuvres de C. Tillier - III.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
LETTRES AU SYSTÈME.

comme un vieux meuble dans une vente ? N’est-ce pas que nous sommes d’accord sur ce point ? Mais, au lieu de salaire, vous voudriez, vous, qu’on allouât une indemnité aux représentants de la nation ; vous dites que de cette façon les fonctions de député deviendront accessibles aux hommes de vertu et de capacité assez riches pour mener avec honneur l’existence du chef-lieu, et trop pauvres, toutefois, pour vivre et pour faire remarquer leur existence au milieu du luxe de la capitale.

Une indemnité au lieu de salaire, dites-vous. Mais, salaire ou indemnité, c’est toujours de l’argent. Inventerez-vous une monnaie particulière pour faire à vos députés leur décompte ? Ne voyez-vous pas que, quelque effort que vous fassiez pour le cacher, le peuple apercevra toujours le fil d’or auquel sera liée l’indépendance de son représentant ? Croyez-moi, épargnez à votre député tout contact avec le ministère des finances, n’enchâssez pas son patrimoine dans un cadre d’argent : une couronne d’or et une couronne de lauriers ne peuvent tenir sur le même front. Vous m’allez trouver bien romain pour un compatriote de M. Dupin ; mais, est-ce qu’à Rome les consuls avaient une indemnité de représentation, et les tribuns du peuple des frais de bureau ? Et ces grands généraux de 93, ce Hoche qui mangeait dans l’étain, s’inquiétaient-ils, quand ils allaient prendre le commandement de leur armée, s’ils percevraient religieusement leur solde ? Ils savaient que la ration du soldat ne leur manquerait pas, et cela leur suffisait.

Si votre député est à la hauteur de ses fonctions, quel que soit son revenu, il en vivra à Paris comme dans son département. Il n’aura pas de voiture ; mais, sera-t-il déshonoré pour aller comme vont 30 millions de ses concitoyens ? Il n’ira pas aux fêtes des ministres, mais il étudiera, à son petit foyer, les intérêts de la nation. Il dînera à 40 sous ; mais il se résignera volontiers à cette privation, en se rappelant qu’il y a grand nombre de citoyens qui ne dînent pas tous les jours. Son luxe et sa magnificence à lui, ce sera