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SUR LA RÉFORME ÉLECTORALE.

femme, elle n’y pourrait mettre qu’une feuille de rose. Les femmes sont des fleurs qui ont besoin, pour s’épanouir, du jour amorti des salons et de la douce chaleur du foyer : un orage politique les effeuillerait. Ne voyez-vous pas que nous gâterions nos femmes en leur donnant nos mœurs, nos habitudes, nos passions et même nos vertus ? n’avez-vous pas remarqué que le charme le plus doux et le plus puissant des femmes, c’est d’être autres que nous sommes ? Et, dites-moi, vous éprendriez-vous d’une femme en habit à la française et en pantalon à sous-pieds ? N’avez-vous pas observé encore que cet instinct des contrastes préside à presque toutes les unions, quand elles sont libres ? que l’homme fort épouse ordinairement une femme faible, et le petit homme une femme d’une grande taille ? Je ne sais si vous êtes comme moi ; mais, si j’étais Apollon, je ne voudrais pas épouser une Muse.

Elle est belle la femme qui baise de ses lèvres souriantes un enfant qui lui sourit et qu’elle presse contre son sein ! Vous diriez de ces deux êtres qui ne sont plus qu’un, une branche de rosier en fleur. Elle est belle encore la femme, lorsqu’elle est penchée sur le lit d’un mourant, comme un ange envoyé de Dieu pour délier adroitement notre âme des chaînes de la vie ! Je vous accorderai encore, si vous le désirez, que les femmes seraient meilleures que les hommes pour exercer les fonctions sacerdotales ; mais vous figurez-vous madame Poutret de Mauchamps à la tribune ? Le bœuf Lombard écoutant gravement dans une loge de l’Opéra, ses deux jambes appuyées sur la banquette, la musique de Rossini, produirait-il un effet plus disgracieux ?

Puis, si vous accordez des droits politiques aux femmes, il faudra leur accorder des droits civils, et, par extension, en accorder aux enfants. Alors chaque ménage sera un petit état constitutionnel où le menu du dîner sera voté à la majorité des voix.

Et de l’indemnité proposée pour les députés, qu’en pensez-vous, mes amis ? N’est-il pas vrai que la plus noble des fonctions dont un citoyen puisse être revêtu, ne doit pas être mise à prix et cotée