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SUR LA RÉFORME ÉLECTORALE.

pleine d’or de ce ministère qui vient tous les jours comparaître sur leurs sellettes ! Et ce sont les oracles de votre système représentatif qui mettent en doute la réforme d’un tel ordre de choses ! Voilà vos capacités ; ces hommes tout d’éclat et de bruit qu’on admire, toute leur intelligence ne leur sert qu’à trouver de fausses, mais trompeuses raisons pour justifier un abus. Faux monnayeurs de la pensée, ils ont le secret de faire passer pour de l’argent un argument qu’ils blanchissent avec une merveilleuse habileté. Si vous soumettiez une pareille question au peuple, avec son gros bon sens d’artisan, de manœuvre, de laboureur, il l’aurait bientôt résolue.

Peut-être, Monseigneur, en courant sur ce papier, vous aurai-je, sans le vouloir, égratigné de ma plume. Si cet accident m’était arrivé, ou plutôt vous était arrivé, je vous prie de l’attribuer non à un désir brutal de troubler vos liesses, ni à une basse envie contre ceux qui sont plus riches et plus heureux que moi, mais aux exigences de la tâche que je me suis imposée. C’est la cause du peuple que je défends. Je n’ai point envie de sacrifier les intérêts de mon obscur et misérable client à de ridicules bienséances envers sa partie adverse. On a dit que le peuple avait ses flatteurs comme les rois : j’ai vu les flatteurs du peuple jetés dans des prisons et ruinés par des amendes ; j’ai vu, au contraire, les flatteurs des rois comblés de biens et d’honneurs par leurs maîtres. Aux uns, je n’ai point envié leur prospérité ; aux autres, j’ai souvent envié leur noble disgrâce. Je ne demande point au peuple ces acclamations qu’il jette au lieu de palmes sur le passage de ses favoris ; qu’une main plébéienne vienne quelquefois presser ma main ; qu’un pauvre ouvrier me reconnaisse dans la foule et, me montrant du doigt, dise : « Lui aussi a défendu nos droits ! » je serai assez payé de mon travail.