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SUR LA RÉFORME ÉLECTORALE.

pauvre maître d’école qui ne suis jamais sorti de l’arrondissement, je ne sais comment se sont ces sortes d’élections dans les grandes cités, mais dans la petite ville que j’habite, voici ce que c’est.

Parlons d’abord de l’élection des officiers. Un individu qui a des moustaches et une paire d’épaulettes, pour utiliser ces deux choses, veut se faire nommer officier de la garde civique. Après déjeuner, il prend deux amis par le bras, et se rend avec eux à la salle des élections. Sur une table est une boîte, espèce de tire-lire qu’en style de harangue on appelle une urne, et auprès un conseiller municipal qui la garde et bâille comme s’il voulait avaler l’urne. Les trois amis, après avoir déposé leurs bulletins dans l’urne, s’en vont prendre une tasse de café et reviennent une heure ou deux après. On procède au dépouillement du scrutin. L’individu à moustaches a obtenu trois voix et est nommé capitaine à l’unanimité. Vous croyez que j’exagère ; eh bien ! je suis encore d’un tiers en-deça de la vérité : Je connais un capitaine, excellent homme, qui n’est pas trop fier de son élection, qui a été nommé avec deux voix !

Pour les élections municipales, c’est autre chose. Ici c’est une lutte d’intérêts de localité entre les divers quartiers de la ville. Tout le monde est à son poste. Il y a profusion de redingotes neuves, de chapeaux neufs, de cols qui se dressent autour des oreilles comme une brique sur champ. Malheureusement cette montagne d’électeurs en travail n’accouche que d’une vingtaine de fourmis. Ce qui a déterminé le choix des électeurs, c’est une propriété sur la ligne d’une route projetée, une maison sur l’emplacement d’un marché, qu’il est question d’abolir ; quelquefois c’est une haine ou une amitié de coterie pour le maire, le sous-préfet et le curé. Voyez si pour des électeurs ainsi faits, il est à propos d’agrandir le privilège !

Je me permettrai encore ce dilemme envers M. Barrot : si les gardes nationaux et les électeurs de municipalité sont aptes à faire quelques électeurs politiques, ils sont aptes à en faire un grand