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SUR LA RÉFORME ÉLECTORALE.

comme s’il était assuré contre les révolutions. Pour mieux représenter sa poignée d’électeurs, il se laisse payer par le peuple une liste civile qui entretiendrait quatre ou cinq mille petits ménages ; il a des huissiers pour saisir au peuple ses haillons, des gendarmes pour lui mettre les fers aux mains, des commis d’octroi pour prélever la dime sur ses modestes provisions, des gardes champêtres pour lui arracher, au cœur de l’hiver, le fagot de branches sèches qu’il ramasse sous les arbres, des procureurs du roi pour requérir contre lui quand, n’ayant plus de pain et ne voulant pas voler, il en mendie : des généraux pour conduire ses enfants, dont il n’a pu racheter le sang, au vaste abattoir des champs de bataille. Un roi constitutionnel ne soupçonne point que le peuple puisse trouver cela mauvais, tant, à lui roi, cela paraît juste et naturel. Il met avec confiance sa tête dans la gueule de son lion affamé, et quand le lion grogne, il le fustige. Il est vrai aussi qu’un roi constitutionnel, comme ces nobles bambins qui avaient auprès d’eux de pauvres enfants pour recevoir le fouet à leur place, a des ministres responsables.

Vous croyez avoir une garantie contre les révolutions dans l’équilibre de vos trois pouvoirs ; mais vos trois pouvoirs sont trois forces opposées qui se détruisent. Pour qu’ils ne soient pas un principe d’anarchie, il faut qu’il y ait au dessus d’eux, comme le Destin dans la mythologie des anciens, un pouvoir absolu qui leur impose ses lois. Ainsi, si un conflit s’élevait entre la chambre et la royauté, à propos, par exemple, du renvoi ou de la conservation d’un ministère, car c’est toujours là ce qui divise les trois pouvoirs, qui rétablirait l’union dans votre auguste trinité ? Chambres et roi constitutionnel pourraient être dix ans à se dire : tu les renverras, je ne les renverrai pas, sans que la question fût plus avancée au dernier jour qu’au premier. La chambre élective, dites-vous, si le roi ne voulait pas soumettre sa volonté à la sienne, refuserait le budget. Mais le roi consentirait-il à n’être qu’un roi d’enseigne, un polichinelle doré dont la chambre tiendrait les ficelles ? Dites-