Page:Œuvres de C. Tillier - III.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
LETTRES AU SYSTÈME.

autres ; si, sous notre société qui s’étale, il se forme une société souterraine qui n’attend qu’un sommeil de la police pour nous saisir à la gorge, à qui faut-il nous en prendre ? Ne vous apercevez-vous pas que vous êtes la cause première de tous ces complots ?

Dans une nation où la majorité, non pas des électeurs privilégiés, mais des citoyens, est légalement constatée, les complots sont impossibles. Chaque parti connaît, avec exactitude, l’étendue de son drapeau. Il sait que s’il remue, il aura la moitié au moins de la nation pour adversaire, et sa faiblesse lui tient lieu de modération. Chez une nation, au contraire, où le droit d’élection appartient au plus petit nombre, tous les partis croient avoir derrière eux une majorité occulte qui courra aux armes aussitôt qu’ils auront déployé leur morceau de bannière. Ils se disent l’avant-garde d’une suite qui vient. Ils s’imaginent qu’en frappant la terre de la crosse de leurs fusils, elle enfantera pour eux des bataillons. C’est celle folle illusion qui pousse en armes sur la place publique une foule de jeunes hommes égarés par l’ardeur de leurs espérances, qui viennent se faire tuer derrière les barricades, par les balles de vos soldats, ou se faire arrêter par les gens de votre police. Système, votre urne est dorée ; mais au fond il y a du sang.

Quand Charles X lança ses ordonnances, il crut n’avoir à mettre à la raison qu’un petit nombre d’électeurs tapageurs et bavards. Ne voyant rien, n’entendant rien du peuple, les prêtres et les gentilshommes qui l’obsédaient n’eurent pas de peine à lui faire croire que la France était lasse autant que lui d’une opposition qui criait sans cesse, comme un enfant maussade et mal élevé, et qu’elle préférait sa dynastie à la liberté. Si une majorité vraiment nationale se fût déclarée contre Charles X dans les collèges électoraux, il n’eût point osé compromettre sa couronne dans une lutte inégale avec le peuple ; il eût renvoyé ses ministres et gardé son trône. Ainsi Louis XVIII ne tarda pas d’expier, dans sa dynastie, les restrictions qu’il avait apportées à la représentation nationale.