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LETTRES AU SYSTÈME.

Et, d’abord, examinons vos titres.

Vous vous faites appeler le Pays ; aux chambres, il n’est question que du pays ; le roi lui-même a quelquefois la politesse de vous donner ce titre. Vous le pays ! Défaites-vous, croyez-moi, de ce sobriquet ridicule. Vous n’êtes pas plus le Pays qu’un état-major n’est une armée, que le prince de Monaco n’est empereur d’Orient, que M. Dupin (Charles), n’est une encyclopédie. On a vu d’audacieux usurpateurs, en s’emparant des domaines d’une noble famille, s’emparer aussi de ses titres ; vous pourriez bien être de ces gens-là, Monseigneur.

Vous avez des châteaux grands comme des villages ; vous avez des usines qui flamboient, des magasins qui resplendissent ; vous avez des montagnes de blé dans vos greniers, des lacs de vin dans vos caves, des troupeaux plein vos étables. Mais, autour de tout cela, n’y a-t-il que le désert et la mort ? Mon petit champ qui ne vote pas, n’est-il pas à la surface de la France aussi bien que votre grande propriété qui vote ?

Vous voulez vous appeler le Pays ! Mais cette dénomination n’est plus de notre âge. Elle sonne à mon oreille comme la cloche lointaine d’un beffroi. Elle me rappelle ce temps de servage et de misère où la terre conférait les titres, où l’on achetait l’écusson du maître en achetant sa propriété. Quand vous vous affublez de ce titre, vous me faites l’effet d’une petite maison de campagne qui se poserait fièrement sur le grand chemin, avec des créneaux peints et un pigeonnier au côté.

Au reste, peu importe comment vous vous appeliez, système ; c’est sur l’âne et non sur le bât que je veux frapper.

Vous avez dit : « Plus de grâce de Dieu, plus d’huile sainte, plus de sacre sous les voûtes gothiques de Rheims, le peuple est souverain de par la révolution de juillet, et Louis-Philippe est roi de par le peuple ! mais comme le peuple est incapable d’exercer sa souveraineté, nous nous réservons, comme par le passé, le droit de l’exercer pour lui-même. Maintenant, le peuple sera infiniment heureux,