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VI
LETTRE DE TIMON À C. TILLIER.

Moi-même, si je ne payais pas, par la grâce de Dieu et de mon percepteur, cinq cents francs de contributions, je ne serais ni électeur, ni éligible, ni élu ; je gagnerais ma pauvre vie à la sueur de mes pamphlets, vie orageuse et point du tout couronnée d’or, ni même de lauriers, comme vous le dites, mais d’angoisses et d’épines.

Ou bien, je serais maçon, cordonnier, terrassier, frotteur, maître d’école, que sais-je ? et je chercherais, du matin au soir, à résoudre ce problème-ci : se loger, se chauffer, s’éclairer, s’habiller et se nourrir, soi, sa femme et ses enfants, avec quarante sous par jour, et puis, avec le reste, c’est-à-dire avec zéro, gagner une ronde somme de trente mille livres à placer en biens de ville ou de campagne, au choix du gagnant.

Peut-être mon ami Arago qui est plus savant que moi et qui lit dans les astres, vous donnera-t-il la solution de ce problème. Moi, je ne le saurais ; et n’allez pas le demander non plus à Chateaubriand, à Lamenais, à Carrel, qui ont écrit cependant de bien beaux livres sur la politique et sur le gouvernement des États, mais qui ont été toute leur vie assez sots pour avoir plus d’esprit que d’écus.

La Charte a laissé inscrire sur son fronton, par les badigeonneurs de 1830, les mots fastueux de civilisation et de progrès ; mais ses pieds sont demeurés assis dans la boue de la féodalité. Les censitaires du guéret et de la boutique ont remplacé les seigneurs des castels. Tout le reste de la nation est paysan, corvéable et taillable à merci. Il n’y a eu que les noms de changé.

Revenons aux principes, il en est temps. Le peuple français est-il ou n’est-il pas le souverain de la France ? S’il ne l’est pas, qu’on veuille bien nous dire alors en vertu de quel droit le Roi trône, le Ministère gouverne, les