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Alors c’est une magnifique terrasse qui jette, d’une élévation de cinquante mètres, son regard fier et hautain sur la vallée. À vos pieds l’Yonne, que font incessamment tressaillir, comme un bœuf que piquent les mouches, les graviers tombés du chemin, se promène lentement dans sa prairie, et les bois du marché, descendant pêle-mêle de leurs âpres collines, viennent baigner leurs racines dans les eaux vertes et dormantes du fleuve.

À votre gauche s’élève, comme un grand mur en ruine, le second étage de la montagne. Au pied de cette gigantesque masure, court et s’enfuit devant vous comme une longue traînée de maisons qui servent de faubourg au village. Car Armes n’est pas un piètre et misérable paysan : semblable à ces marquis qui veulent avoir des pages, il a son faubourg comme une ville. Toutes ses maisons sont neuves ; elles ont toutes un toit rouge et des volets verts, toutes un cep de vigne qui les enveloppe de ses larges feuilles et leur fait en été une belle devanture verte ; elles ne sont point, comme celles de nos rues, collées l’une à l’autre par un mur mitoyen : elles sont séparées entre elles par des jardinets, par de grands noyers indivis qui mêlent leurs branches par-dessus les toits, par des chênes tombés de la cime de la montagne avec des quartiers de roc écroulés. Vous diriez, à les voir si parées et si coquettes, des paysannes endimanchées qui vont se tenant par la main.

Des plantes de toute sorte croissent entre les pierres disjointes du rocher et font pleuvoir, quand il vient un souffle de vent, leurs fleurs et leurs insectes sur les toits. Vers le milieu de cette avenue de maisons, vous rencontrez le pertuis d’Armes, le premier de cette longue série de pertuis qui donnent à l’Yonne une navigation factice de quelques heures par semaine. La rivière, arrêtée tout-à coup par cette porte que les marchands de bois ont fermée devant elle, s’épanche à grand bruit, et en disant mille injures au commerce, sur les pierres herbeuses et vertes de l’écluse, et retombe