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connaissent, et le garde-champêtre a pour lui une grande considération. Or, je défie l’homme qui est notre partie adverse d’en dire autant. Notre âne est porteur d’un certificat du maire de sa commune — et ce certificat existait en effet — qui atteste sa moralité et sa bonne conduite. Si le plaignant peut produire un pareil certificat, nous consentons à lui payer mille écus de dommages-intérêts. »

— Que Saint-Yves te bénisse ! dit mon oncle ; il faut que le poète Millot-Rataut nous chante son grand Noël

     À genoux, chrétiens, à genoux !

Voilà qui est éminemment lyrique. Ce ne peut être que le Saint-Esprit qui lui ait inspiré ce beau vers.

— Fais-en donc autant, toi, s’écria le tailleur qui avait le bourgogne très irascible.

— Pas si bête ! répondit mon oncle.

— Silence ! interrompit l’avocat Page frappant de toutes ses forces sur la table ; je déclare à la cour que je veux achever mon plaidoyer.

— Tout à l’heure, dit mon oncle ; tu n’es pas encore assez ivre pour plaider.

— Et moi, je te dis que je plaiderai de suite. Qui es-tu, toi, cinq pieds dix pouces, pour empêcher un avocat de parler ?

— Prends garde, Page, fit le notaire Arthus, tu n’es qu’un homme de plume, et tu as affaire à un homme d’épée !

— Il t’appartient bien, à toi, homme de fourchette, mangeur de saumon, de parler des hommes d’épée ; pour que tu fisses peur à quelqu’un, toi, il faudrait qu’il fût cuit.

— Benjamin est en effet terrible, dit l’architecte. Il est comme le lion : d’un coup de sa queue il pourrait terrasser un homme.