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qu’une comparaison soit triviale, pourvu qu’elle soit juste, pittoresque, qu’elle solidifie, pour ainsi dire, l’idée, et la fasse toucher au doigt et à l’oreille. Belle raison, de ne pas se servir d’un mot parce que trente-deux millions d’autres s’en servent ! Pourquoi ne pas écrire comme on parle ? »

Tillier avait suivi ce précepte de Socrate : Connais-toi toi-même ! Il savait s’apprécier ; il savait que son style n’était pas grand seigneur et que sa phrase n’avait pas de manchettes. Révolutionnaire au fond, il l’est aussi dans la forme ; il s’est délivré des tyrannies académiques et des traditions impériales, de tout cet arrière-faix des écoles et des instituts. Il est plébéien dans Famé, et comme l’homme c’est le style, tous les mots ont droit de cité dans sa langue, tous les mots sont égaux devant sa plume. Avec lui pas de périphrase, point de circonlocution ; le naturel et le simple avant tout ; la liberté avant l’autorité, l’inspiration avant la convention. Il est ce qu’on appelle prime-sautier ; il a le grand art du mot propre, la sainte horreur du synonyme, la haine salutaire de l’a peu près et de l’équivalent ; il a surtout la règle des règles, le secret qui fait les écrivains coloristes, le secret que possédait si bien Molière, celui de l’harmonie du sujet et de l’exécution, de l’unité de la pensée et de l’expression. C’est ainsi que dans l’École des Femmes, le rôle d’Arnolphe, qui monte sa grande